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Une révolution féminine, un défi fondamental à l’Islam

Azar Majedi

 

      


Ce que nous observons en Iran n’est pas seulement un mouvement contre une dictature et pour la liberté politique ; ce n’est pas seulement un mouvement contre la pauvreté et l’injustice socio-économique, pour l’égalité et la prospérité ; c’est un mouvement contre l’institution religieuse, l’hypocrisie, la corruption et la superstition. Dans ce contexte, c’est aussi un mouvement pour l’émancipation morale et culturelle. Le soulèvement en Iran a un fort caractère anti-religieux.
30 années d’oppression religieuse ont créé une génération qui veut s’émanciper de toute domination, restriction ou ingérence religieuses. 30 ans d’emprisonnement par un brutal État religieux, qui intervenait dans la sphère la plus privée de la vie des gens, un État dirigé par les hommes de Dieu les plus cupides, corrompus et déshumanisés, ont créé une société prête à se dé-religioniser et à se débarrasser des règles et traditions religieuses. L’Iran est d’entrer dans une nouvelle ère des Lumières.
Le mouvement de libération des femmes : une force révolutionnaire
Le mouvement de libération des femmes est l’élément le plus important dans la lutte contre la République Islamique. Le mouvement de libération des femmes est l’anti-thèse du régime islamique. Le régime islamique promeut une idéologie misogyne. La subordination et l’esclavage des femmes est son crédo, le voile islamique est son drapeau et l’apartheid entre les sexes est essentiel à son régime politique. Le mouvement de libération des femmes ne peut obtenir aucune avancée significative sans d’abord chasser ce régime. Le mouvement de libération des femmes en Iran incarne une force de libération révolutionnaire.



Dans la lutte pour la liberté et l’égalité des femmes, le mouvement de libération des femmes concerne aussi toute la société. Une société où les femmes sont libres et jouissent d’un statut égalitaire ne tolérera pas la tyrannie religieuse ou les règles religieuses. Comme Marx l’a brillamment dit “la mesure de la liberté d’une société est la liberté des femmes”. Le mouvement de libération des femmes en Iran en est l’exemple même. Le haut niveau du mouvement de libération des femmes dans la société et la résistance qu’il a développé dans une lutte extrêmement difficile valident cette thèse.
Les femmes se sont avérées être une des principales forces d’opposition au régime islamique. Les premières grandes manifestations contre le régime étaient organisées par des femmes et pour les droits des femmes. La loi de Khomeiny sur le voile obligatoire pour les employées a déclenché une protestation immédiate dans les rues de Téhéran et d’autres grandes villes le 8 mars 1979, suivie d’une semaine de manifestations, de meetings de masse et de sit-ins de milliers de femmes. Elles ont réussi à infliger la première défaite du régime. Ce fut le début de trente ans de tensions et de relations hostiles entre les femmes et le régime.
La République Islamique a été obligée de définir son caractère principal face au mouvement de libération des femmes. Sa guerre idéologique et morale contre les femmes a été une des plus exigeantes batailles qu’il a dû mener. Les questions des femmes n’ont jamais quitté la scène politique. Depuis son instauration même, il a dû faire face aux revendications des femmes. De nombreuses femmes, ainsi que des hommes, ont perdu leurs vies ou ont énormément souffert pour avoir affronté l’ordre misogyne et pour avoir défié les règles de l’apartheid entre les sexes.
En luttant dans un long et difficile combat contre le système politique le plus misogyne de l’histoire moderne, le mouvement de libération des femmes en Iran est devenu une force impressionnante et puissante avec un remarquable potentiel libérateur. La question des femmes a montré qu’elle était le talon d’Achille du régime islamique. L’ironie c’est que celles que le régime islamique considérait comme de sous-humains, tout juste dignes à être les esclaves des hommes, sont descendues dans la rue et se battent bec et ongle. Ce mouvement a un énorme potentiel. Il pourrait non seulement libérer les femmes en Iran, mais ouvrir grand la porte pour les femmes de la région et des société vivant sous l’influence de l’Islam. Le mouvement de libération des femmes est venu hanter le mouvement islamiste.

 

 

L’Islam défié comme jamais il n’a été

Le soulèvement politique en Iran a déjà touché le monde entier. Le rôle que les femmes y jouent a stupéfié le monde. L’évolution de la situation en Iran a remis en cause ce qui nous était raconté par les grands médias et les universitaires sur la société iraniennes et ses structures socio-politiques et culturelles. De façon répétée, on nous a dit que l’Iran était une société islamique ; que le peuple n’était ni contre la République Islamique ni contre les règles et coutumes islamiques. Qu’il ne veut que des changements mineurs.
Croire cela nous ferait regarder le peuple d’Iran comme une sorte de masse masochiste qui aimerait être torturée pour pratiquer “sa culture et ses croyances”. Mais alors, pourquoi un système d’oppression et de torture si sophistiqué est nécessaire ?  Les cas d’exécutions publiques depuis des grues, de lapidation de femmes et d’hommes pour avoir eu des relations sexuelles hors du cadre du mariage, de femmes fouettées pour n’avoir pas observer les strictes régles de l’habillement islamique, sont si courants ; une grande armée de brutes est embauchée pour vérifier que l’Islam est pratiqué. Connaître ces faits sur la société iranienne discrédite toutes ces assertions superficielles avancées par les “experts de l’Iran”. Une question très simple vient à l’esprit : si les gens veulent pratiquer l’Islam, pourquoi un tel affichage de brutalités est devenu nécessaire ?
Les gens en Iran se libèrent des règles de la religion. Ils se rebellent contre la tyrannie religieuse et toute ingérence de la religion dans leurs vies. Le peuple insurgé en Iran fera à l’Islam ce que la Révolution Française a fait au christiannisme et à l’Eglise en Occident. Tout comme l’arrivée au pouvoir du régime islamique en Iran a donné un grand élan au mouvement islamiste et à l’Islam comme religion / idéologie, le renversement de ce régime donnera un violent coup à ce mouvement réactionnaire, mysogine et brutal. Il y a 30 ans, les événements politiques en Iran ont fait passé les islamistes de force politique marginale à une force majeure, qui a joué un grand rôle dans la régression des sociétés sous influence de l’Islam, en particulier concernant la situation des femmes. La défaite de la révolution en 1979 était la renaissance du mouvement islamiste.


 

La renaissance de l’Islam comme “idéologie de la libération”
L’Islam comme religion et idéologie et le mouvement islamiste doivent leur renaissance à l’arrivée au pouvoir d’un régime islamique en Iran. Les circonstances dans lesquelles le régime islamique a pris le pouvoir en Iran étaient un facteur majeur. Sa prise du pouvoir suite à une insurrection populaire contre le plus fidèle allié des puissance occidentales, contre un régime connu comme un “pantin” des américains, a donné à l’Islam une impulsion idéologie inconnue auparavant. Pour ce maintenir au pouvoir, le régime islamique devait se donner une image militante “anti-américaine”. L’existence du régime islamique était très lié à sa façade soi-disant “anti-impérialiste”.
En 1979, la gauche était populaire en Iran. La plus grande partie de la gauche était populiste dans ses bases et pouvait donc facilement tomber dans n’importe quelle action anti-américaine. Dès son origine, le régime islamique avait plusieurs factions. La faction qui a organisé l’occupation de l’ambassade américaine a sauvé le régime d’une monté des protestations de gauche, des travailleurs et des femmes. Cette action a désarmé la gauche populiste.  Recourir à la célèbre tactique de créer un ennemi extérieur pour unifier les masses derrière soi, avec en plus la mise en scène d’une lutte contre les États-Unis, a sauvé le régime en Iran et a développé son image de force anti-impérialiste à l’échelle régionale comme internationale.
Dans les années 1980, avec la perte d’élan des vieilles traditions anti-impérialistes et leur défaite idéologique (l’effondrement du capitalisme d’État en Union Soviétique et dans le bloc de l’Est), le nouveau mouvement islamique s’est présenté comme un substitut viable. Les islamistes, comme tendance pour le retour en arrière, se sont longtemps opposés au processus de modernisation dans la région et étaient contre les valeurs et la culture occidentales. Les sentiments anti-occidentaux des islamistes correspondaient à ceux des tendances nationalistes et anti-colonialistes d’une fraction des intellectuels de la région.
Le processus par lequel la République Islamique est arrivée au pouvoir en Iran a développé une nouvelle tendance islamiste, une tendance soi-disant anti-impérialiste, qui a offert sa propre version de la “théologie de la libération” aux masses des peuples vivant sous les violentes dictatures soutenues par les puissances occidentales. De plus, la propagande démagogique et populiste utilisée par ce mouvement a aidé à vendre en contre-bande une idéologie complètement inhumaine, misogyne et arriérée comme soi-disant “idéologie de libération”.
La situation internationale a aidé cela. Les islamistes sont arrivé à obtenir une position formidable comme pôle d’opposition au pôle terroriste d’État dirigé par les États-Unis. Ces facteurs expliquent l’attrait pour le mouvement islamistes dans de larges parties des masses et de la jeune génération du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, dégoutées des dictatures corrompues sous lesquelles elles sont forcées de vivre, de l’humiliation quotidienne et la négation des droits des Palestiniens par Israël et enfin de la guerre en Irak.
En absence d’alternatives, dans une situation où toute organisation progressiste et humaine est interdite, les islamistes ont réussi à se présenter comme une force qui fait échos aux griefs populaires. Dans des sociétés où la pauvreté est endémique, où les conditions de vie sont épouvantables et où l’inégalité, la discrimination et les injustices sont monnaie courante, l’absence totale de toute liberté pour exprimer le mécontentement, la protestation ou s’organiser pour le changement, n’ont donné aux gens pas d’autres choix que la seule option disponible, le mouvement islamiste. En plus, des tendances dites de gauche, qui ignore littéralement ce qu’est la violation des droits civiques et économiques du peuple, soutiennent, au nom de la lutte contre l’Amérique, ce régime brutal, misogyne et réactionnaire. Pendant trente ans, ce régime a soutenu financièrement, idéologiquement et moralement le mouvement terroriste, qui a, avant tout et principalement, terrorisé la population de la région. Aussi, la lutte contre le mouvement islamiste et l’islamisme est une lutte à la fois politique et idéologique. Le soulèvement en Iran est capable de diriger cette lutte dans ces deux domaines.

 

 

Iran 2009, France 1789
L’Islam n’a jamais connu un défi similaire à celui que le christianisme a connu au 18ème siècle en Europe. Le soulèvement du peuple en Iran contre le régime islamique déchire en lambeau cette perversion de la théologie de la libération. Les événement en Iran ne font pas seulement tomber un système politique, ils révolutionnent aussi la vision du monde vis-à-vis de l’Islam et du rôle que l’Islam joue dans les société sous son emprise. Ce processus a été facilité par un facteur important, celui que grâce aux technologies modernes et la connaissance technologique de la jeune génération en Iran, cette insurrection a lieu devant les yeux du monde entier. Le peuple du monde voit comment les gens, et en particulier les femmes, descendent dans la rue et font face aux matraques, au gaz lacrymogène, aux armes à feu, à la torture brutale et aux viols collectifs, pour leur revendication de liberté. Ce n’est pas un hasard si Neda, la  jeune femme dont la mort tragique a été filmée par un téléphone portable et diffusée dans des millions de foyers à travers le monde, soit devenue l’icône du soulèvement populaire en Iran. Elle est devenue l’icône d’une révolution féminine contre un régime qui considère les femmes comme des moitiés d’humains.
Ces femmes, supposées plus faible et “à moitié humaine”, affrontrent, non seulement un système misogyne, mais l’Islam. Elles sont poussée par leur grande aspiration à la liberté. Même si la peur d’une dictature brutale ne les autorise pas d’exprimer librement ce qu’elles veulent, même si 30 ans d’oppression et de censure ont créé une involontaire  auto-censure défensive pour limiter leur horizon et leurs aspirations, l’aspiration à une émancipation totale vie en elles et a été réveillée.  Même si l’apparence invincible du régime les a forcées à se résigner au pragmatisme et à l’équilibre du pouvoir pendant trois décennies, elles ont surmonté leurs peurs et défient les forces d’intimidation.
Les femmes en Iran envoient des frissons dans le dos aux bases islamiques elles-mêmes. La longue lutte contre la République Islamique, pour l’égalité des droits et la liberté, n’a pas epargné l’Islam. La jeune génération, et les femmes en particulier, ont de façon répétée ridiculiser les cérémonies religieuses et sacrées. Dans leur lutte contre l’apartheid entre les sexes, elles sont allées jusqu’à briser les règles “sacrées” de la prière du vendredi.


Une des plus importantes bases de l’Islam est l’apartheid entre les sexes. Ce principe transparaît dans toutes les règles et dogmes religieux. La prière, elle-même un pilier de l’Islam, doit être, à tout prix, divisée sexuellement ; la logique derrière est que la présence d’une femme excite sexuellement l’homme et peut pour cela les pousser au péché et leur gâcher ces précieux moments avec Dieu. Lors des prières de masse ou des prières du vendredi, les femmes et les hommes sont complètement séparés et les femmes doivent même être voilées lorsqu’elles prient seules, c’est-à-dire, lorsqu’elles sont seules avec Dieu. On ne peut s’empêcher de penser que cela a été prescrit pour sauver Dieu du péché !
Mais le vendredi 17 juillet a été une exception dans l’histoire de l’Islam. Ce jour-là, un événement historique a eu lieu à Téhéran. Le 17 juillet, Hashemi Rafsanjani, une figure dirigeante et proéminente de la République Islamique, menait la prière du vendredi. Rafsanjani est un opposant d’Ahmadinejad et un soutien tacite de Mir Hossein Moussavi. Ce jour est arrivé dans un climat de grande anticipation. Depuis qu’il avait été annoncé que Rafsanjani allait mener la prière de vendredi, les spéculations ont commencé sur ce qu’il allait dire, aux côtés de qui il se tiendrait et sur les suites de la prière.
La tendance réformiste de l’Etat le priait de “tenir bon”. Les médias internationaux parlaient de sa position et de son histoire et de celles de sa famille. Les services d’information sur l’Iran était saturés d’informations sur Rafsanjani. Il était plus qu’évident qu’il ne discréditerait d’aucune façon le régime islamique sans lequel il perderait tout pouvoir, risquant de perdre non seulement les monumentales richesses qu’il a amassé ces trentes dernières années, mais aussi sa liberté. Il fait parti des plus principaux dirigeants du régime que le peuple veut juger pour crimes contre l’humanité.
Rafsanjani lui-même n’a rien dit d’extraordinaire. Cependant, le vendredi 17 juillet 2009 est devenu une journée historique, non seulement pour la République Islamique, mais pour l’Islam lui-même. Un énorme rassemblement a eu lieu à Téhéran. Femmes et hommes marchaient ensemble vers l’Université de Téhéran, là où se tenait la prière du vendredi. A côté de l’université, la foule devait prier pour justifier la présence de cette assemblée. Et ce jour-là, le monde a été témoin d’une prière mixte à Téhéran. De nombreuses femmes avec de petits voiles sur leurs têtes, maquillées, aux côtés de protestataires masculins, rejoignaient la cérémonie de prière. Pour cela, le vendredi 17 juillet a été un tournant dans l’évolution politique en Iran.
Dans cette intense évolution politique, la sanctification de l’Islam a été rejettée. Les moqueries populaires n’ont pas épargné les lois divines de l’Islam. Le clergé est la fraction de la société la plus méprisée. L’institution religieuse est vue comme la plus corrompue, la plus avide et la plus indigne de confiance des institutions sociales, politiques ou idéologiques. Le folklore est rempli d’histoires pour discréditer les membres du clergé comme des hypocrites, des vicieux et des menteurs. Aujourd’hui en Iran, le clergé et le système islamique sont la cible de la plupart des blagues.
Une fois que le régime sera tombé à genoux, tous les signes de la domination et des lois islamiques seront démantelées. La société saluera son émancipation de la domination religieuse. Politiquement, la laïcité sera inscrite dans la constitution du pays. Socialement, les tendances anti-religieuses domineront. Dans la culture et les arts, un mouvement d’avant-garde fleurira. Et tout cela aura des effets qui dépasseront de loin les frontières. Le soulèvement en Iran révolutionnera le climat socio-politique de la région. Un Islam marginalisé en Iran sera un grand coup donné à l’Islam et sa sanctification à l’échelle internationale.
1 Août 2009
L’expression “révolution féminine” fait référence à une intervention de Mansoor Hekmat lors d’un séminaire à la société Karl Marx “Le communisme peut-il gagner en Iran ?” (février 2001, Londres).